Michael White, raconté par Ellen White
J’ai bien des noms.
Le 11 janvier 1961, jour de ma naissance, on m’a nommé Michael White. Membre de la nation Ktunaxa de Colombie-Britannique au Canada et petit-fils d’un guérisseur vénéré, je suis né dans une famille rongée par la tourmente et la tristesse. Subvenir aux besoins et prendre soin de 8 enfants était une tâche insurmontable pour mes parents et, bien que je ne me rappelle de rien au sujet de cette époque, je comprends par les témoignages des autres que ma petite enfance a été remplie de maltraitance et de négligence.
En 1963, on m’a donné un autre nom : Michael John Ratcliffe. Ma sœur aînée, aujourd’hui décédée, m’a parlé du jour où une grosse voiture noire s’est garée devant notre maison. Cette voiture avait été vue de temps en temps sur notre réserve et est devenue pour plusieurs familles le symbole de la « Rafle des années 60 », une pratique de l’époque au Canada qui consistait à retirer ou « rafler » les enfants autochtones de leurs familles et à les placer en adoption ou dans des familles d’accueil non autochtones.
La police, un travailleur social et le prêtre local accompagnaient cette voiture. Mes parents m’ont caché dans une petite armoire au-dessus de notre réfrigérateur, mais ils m’ont trouvé malgré tout au final. Toute famille qui essayait d’empêcher que leurs enfants leur soient retirés risquait d’être arrêtée et emprisonnée. Il n’y avait rien que ma famille; mes parents, mes grands-parents, mes frères et sœurs ne pouvaient faire. On m’a retiré de leurs vies à tous ce jour-là et, peu après, je suis devenu Michael John Ratcliffe : l’aîné et le premier enfant adopté d’une famille blanche de sept appartenant à la classe moyenne supérieure de Kimberly en Colombie-Britannique.
J’étais un enfant autochtone au sein d’une famille blanche dans un monde blanc. J’allais à l’école publique et j’y étais régulièrement battu et persécuté parce que j’étais différent. Lorsque ma mère adoptive me faisait prendre mon bain, elle revenait souvent plus tard pour me trouver toujours aussi dans l’eau maintenant froide, en train de me frotter encore et encore. Je pensais que si j’arrivais à effacer la couleur de ma peau, je serais comme tout le monde et je pourrais enfin m’intégrer.
J’ai finalement connu l’acceptation grâce à ma passion du hockey. Avec des réflexes rapides comme l’éclair qui me venaient sûrement de mon père biologique, un tireur d’élite dans l’armée canadienne, je suis devenu gardien de but et j’ai gagné quatre trophées provinciaux et un championnat de l’Ouest canadien. Adolescent, le hockey est aussi devenu un moyen d’élargir mes horizons puisque cela m’a permis de voyager à Edmonton, au Manitoba, à Détroit et à d’autres endroits. C’est finalement à titre de jeune homme que j’ai été en mesure de retourner à l’endroit d’où je venais et de reconnecter avec ma famille et ma communauté.
J’ai un autre nom. Un nom qui ne m’a jamais quitté et qui ne pourra jamais m’être enlevé. Je suis Unik Klawla, un nom Kutenai qui signifie Dernier Grizzly. Ce nom m’a été donné lorsque je suis né au sein de la nation Ktunaxa. Aujourd’hui, je suis un porteur de la pipe sacrée, une personne-ressource pour la culture au sein de ma communauté et un entrepreneur. Je suis formé à la prévention du suicide, à la gestion des traumatismes et comme premier répondant. J’utilise les dures leçons de vie que j’ai reçues pour aider les autres et cela m’apporte la paix d’esprit. Je suis fréquemment en contact avec mes deux familles, biologique et adoptive. J’ai cheminé, et je continue d’avancer, à cheval entre deux cultures.