Par Lauri Cabral
Présidente, groupe de travail stratégique sur la violence des enfants envers leurs parents à Adopt4Life
Il y a un an, Adopt4Life a entrepris d’ouvrir d’engager un dialogue avec les parents, les familles et les professionnels qui les accompagnent, afin d’explorer le sujet de « la violence des enfants envers leurs parents ». Nous sentions depuis un certain temps qu’un nombre croissant de parents et de dispensateurs de soins de notre réseau de soutien Parent2Parent étaient aux prises avec ce qui semblait être une escalade d’incidents de violence et de préoccupations concernant la sécurité dans leur foyer. Nous avions déjà pris connaissance de recherches et de résultats internationaux crédibles et fondés sur des preuves qui traitaient de la question et nous avons estimé qu’il était important de mettre de l’avant cette problématique.
Une année s’est écoulée et nous avons beaucoup appris. Des centaines de parents, de dispensateurs de soins et de professionnels ont partagé leurs histoires et leurs expériences avec nous et elles prouvent que notre instinct était le bon. Un nombre important de familles élevant des enfants (que ce soit par l’adoption, la garde par les proches ou la dispensation de soins usuels) qui ont subi d’importants deuils et traumatismes vivent avec des réactions qui causent du tort à la fois à l’enfant/au jeune et aux membres de la famille. Souvent, des antécédents complexes empêchent l’enfant d’accepter le réconfort ou la sécurité de ses principaux dispensateurs de soins, ce qui peut l’amener à se faire du mal à lui-même ou à d’autres membres de sa famille. À l’échelle internationale, il est reconnu que la VEP n’est pas un problème spécifique à l’adoption; elle se produit dans toutes sortes de familles.
Nous avons discuté avec un nombre croissant de familles (il y a actuellement plus de 70 familles ontariennes dans notre groupe privé de soutien par les pairs en ligne pour les parents adoptifs, les proches ayant la garde les dispensateurs de soins qui vivent de la VEP); et nous avons également été témoins de parents et de dispensateurs de soins qui nous ont fait part de l’impact de ces enjeux sur leur enfant, sur eux-mêmes, mais aussi sur les frères et sœurs, les grands-parents et les autres membres de la famille. Les réactions des parents ont été d’une grande constance :
Enfin. Pour la première fois, je me sens considéré et entendu.
Cela me permet de comprendre que je ne suis pas seul.
Je suis maintenant plus à même de parler de ce qui se passe avec le médecin et le travailleur social de mon enfant.
Je ne savais pas qu’il y avait autant d’autres familles aux prises avec cela. J’ai ressenti tellement de honte.
Je sais maintenant que mon enfant ne se comporte pas mal; il a des difficultés et nous avons tous besoin de soutien.
En écoutant les parents, les dispensateurs de soins, nos collègues et autres partenaires des services sociaux et de protection de l’enfance au Canada, nous avons appris une autre leçon importante : le choix des mots compte.
Il s’agit d’un sujet incroyablement difficile à aborder ouvertement, sans honte ni reproche, et sans stigmatiser les enfants ou leurs parents/dispensateurs de soins. Les mots que nous choisissons pour décrire ces questions, les facteurs sous-jacents, les familles qui sont touchées, la peur et la douleur que les familles éprouvent souvent, et les enfants et les jeunes au centre de la conversation : tout cela compte, et il est d’une importance cruciale que nous nous assurions de respecter la valeur humaine intrinsèque de toutes les personnes concernées.
Des inquiétudes ont été exprimées quant à la terminologie utilisée pour parler de « la violence des enfants envers leurs parents » ou « VEP ». Un désir sincère existe d’encadrer les conversations dans un langage positif, et avec un contexte plus large concernant les conditions de vie durant les premières années de l’enfant qui contribuent à la façon dont il répond aux traumatismes passés. Il est important d’entendre ces préoccupations et d’y réfléchir, en particulier lorsqu’on considère les craintes sous-jacentes concernant les dommages potentiels de l’étiquetage, de la honte ou de la stigmatisation d’un enfant qui agit d’une manière qui ne définit pas qui il est. Cette lutte ne se limite pas à notre dialogue au Canada; dans les pays du monde entier où ce sujet a fait l’objet de recherches et d’études approfondies, de nombreux descripteurs sont utilisés (« violence », « abus », « agression ») qui peuvent susciter des inquiétudes concernant la possible stigmatisation d’enfants et de jeunes déjà vulnérables.
Le choix des mots compte. La façon dont nous parlons de ce sujet difficile est fondamentale. La façon dont nous continuons à connecter les familles, les parents et les dispensateurs de soins, les thérapeutes, les professionnels et les défenseurs de la santé mentale des enfants, les défenseurs de la protection de l’enfance et les réseaux de soutien communautaire : tout cela est important. Les nouvelles données canadiennes sur la violence familiale suggèrent que l’incidence de VEP pourrait être encore plus élevée que ce que nous avions anticipé, ce qui confirme qu’il y a encore beaucoup de choses à explorer pour nous tous. Il est essentiel que nous continuions à chercher et à constituer une trousse d’outils variée, composée de stratégies, de ressources et d’accompagnements qui seront considérés en fonction de leur efficacité à répondre aux besoins de chaque famille.
Le choix des mots compte. Alors que nous continuons à travailler et à établir des partenariats en vue d’un effort canadien, tant à l’échelle provinciale que nationale, pour accroître la sensibilisation et la compréhension de cet enjeu, y compris concernant l’aide dont les familles et les enfants ont besoin pour guérir de ces traumatismes; il est important que nous (parents, professionnels, défenseurs, experts sur le terrain) travaillions tous ensemble pour faire évoluer le langage et les termes que nous utilisons. Mais ce qui importe le plus, c’est que nous continuions tous d’en parler. Nos enfants ont besoin que nous le fassions… et l’urgence d’agir en leur nom est une chose que nous ne pouvons tout simplement pas ignorer.