Par Princess
Je m’interroge sur la direction que devrait prendre ce récit. J’essaie encore et encore d’écrire la parfaite introduction, mais la réalité, c’est que mon enfance était loin d’être parfaite. Ce fut une époque sombre, chaotique, et durant laquelle j’étais constamment en mode survie pour me protéger, de même que mes frères et sœurs.
Ma mère biologique ne croyait pas en la médecine occidentale. Chaque fois que nous étions malades et que nous avions besoin de soins, elle créait sa propre concoction et nous la donnait. Aucune d’entre elles n’a fonctionné… mais dans son esprit, c’était suffisant pour nous.
Je me souviens de la fois où j’ai pensé pouvoir être une enfant ordinaire—je sautais sur un lit et pendant un moment, j’ai ressenti l’excitation de ce que c’est que d’être un enfant qui s’amuse. Mais la réalité s’est fait sentir rapidement quand je suis tombée la tête la première sur le sol et que je me suis retrouvé avec une énorme bosse sur le front. J’ai tout de suite compris que j’allais avoir des ennuis; impossible de cacher que j’avais fait quelque chose que je n’aurais pas dû faire. Ma mère biologique est montée, a vu ce qui s’est passé et a quitté la pièce. Je me souviens être restée immobile, les larmes coulant sur mon visage, me demandant avec quoi elle allait choisir de me battre cette fois-là. Elle est revenue avec une petite bouteille… elle a versé le liquide de la bouteille dans la paume de sa main et l’a ensuite frotté sur mon front. Je me suis dit : « c’est mon jour de chance. » Jusqu’à ce qu’elle commence à pousser sur ma bosse pour la faire disparaître. À cet instant, j’ai appris à ne pas me plaindre quand j’avais mal.
Avez-vous déjà eu l’impression de sortir de votre corps lors d’un rêve? Une expérience où vous pouvez voir et entendre tout ce qui vous entoure, mais personne ne peut vous voir ni vous entendre. Vous vous sentez piégé et vous criez à l’aide, mais personne ne vous entend. C’était moi en première année. On m’a mis dans une classe spéciale parce qu’on me croyait muette. Ce n’était pas parce que je ne savais pas parler, c’est que je ne pouvais tout simplement pas m’y résoudre. Que dire après avoir vu un membre de sa fratrie mourir et avoir subi un tel traumatisme à un si jeune âge? Alors que je ne pouvais pas utiliser ma propre voix, les adultes qui auraient dû s’occuper de moi et défendre mes intérêts disaient souvent : « elle a l’air d’un chevreuil devant les phares d’une voiture ». J’étais temporairement muette, pas sourde. J’entendais et comprenais tout ce qui m’entourait. Comme je l’ai déjà dit, j’avais appris à ne pas me plaindre quand j’avais mal… et j’avais très mal à l’époque.
Si quelqu’un avait pris le temps d’essayer de me comprendre, ou même simplement de me regarder dans les yeux… il aurait pu entendre dans mon silence l’ampleur de mes appels à l’aide. Et pourtant j’ai été considérée comme une cause perdue dès le premier jour où je suis entrée en foyer d’accueil. Vue comme un cas sans espoir… juste une autre petite fille brisée de manière irréparable.
Mon éducation a été entravée dès le début. Ce dont j’avais besoin, c’était d’un système de soutien. Quelqu’un qui prendrait son temps avec moi. En passant de famille en famille, on a tendance à perdre notre capacité de concentration. On n’est pas en classe en train d’essayer d’apprendre nos tables de multiplication… on est en classe à se demander si on sera encore avec notre famille actuelle ce soir, demain et chaque jour à venir. En vieillissant, les choses ont changé. Je prenais de plus en plus de retard à l’école, mais j’ai commencé à utiliser ma voix. C’était nouveau pour moi, alors je ne savais pas comment l’utiliser correctement. J’ai commencé à me rebeller en classe, mais ce que je disais en fait c’est : « J’AI BESOIN D’AIDE ». Or, personne n’était en mesure de comprendre ça. Alors, on a continué de me faire passer à la classe suivante d’année en année, et les seules leçons que j’étais à même de retenir étaient celles que j’apprenais par moi-même dans chacun de mes foyers d’accueil.
Malheureusement, c’est la réalité de nombreux jeunes dans le système de protection de l’enfance. Nous sommes souvent négligés et étiquetés comme étant « difficiles », « incontrôlables » ou « des causes perdues ».
Mon éducation est devenue importante pour moi une fois que j’ai été adoptée et que je n’avais plus à m’inquiéter de voir mon monde s’écrouler. Ma famille m’a fourni le soutien et les outils dont j’avais besoin pour réussir, mais c’était à moi de faire le travail. Je pouvais me laisser passer entre les mailles du filet de la société et continuer à être négligée, ou bien je pouvais utiliser les ressources à ma disposition et m’investir dans le dur labeur qui s’imposait. J’ai eu des années de rattrapage à faire… tout cela semblait impossible. Mais ce n’était pas le cas, et je l’ai fait.
Vous savez, je n’ai jamais pris le temps de le reconnaître jusqu’à présent.
L’éducation ne devrait jamais être vue comme une option non viable, mais c’est ce que ressentent beaucoup d’entre nous qui sommes pris en charge. J’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires et j’ai déménagé à London, en Ontario, pour poursuivre mes études. J’ai pu le faire parce que j’avais enfin quelqu’un à même de prendre un moment pour voir que je souffrais et que j’avais besoin d’aide.
Tout ce que les gens veulent, c’est savoir qu’ils sont aimés et soutenus. Vous seriez surpris de voir jusqu’où on peut aller en sachant qu’on a quelqu’un de notre côté. Dans mon cas, ce « quelqu’un », c’est toute ma famille.
Y a-t-il quelqu’un dans votre vie qui a le même impact pour vous? Et si c’est le cas, pourquoi ne pas lui faire signe aujourd’hui?
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