Par Layla B., adoptée
Il existe une propension à vouloir que tout soit parfait; une famille parfaite et aimante (que ce soit celle de notre enfance ou celle qu’on aspire à créer), un emploi valorisant, une éducation, etc. Enfant, tout cela nous semble facile à atteindre, mais la réalité est tellement plus difficile que cette vision idyllique de notre imaginaire. Je pense qu’il s’agit de l’élément le plus difficile dans le fait d’être un jeune adopté d’un âge plus avancé, le fait de devoir accepter ces pensées conflictuelles qui nous font sentir seul et incapable d’exprimer pleinement ce qu’on ressent.
La tristesse. Contrairement à ce que vous aviez d’abord envisagé, la date d’emménagement avec la nouvelle famille adoptive est emplie de tristesse. J’avais non seulement le sentiment de perdre ma famille d’accueil avec qui j’avais construit des liens d’attachement, mais je devais aussi faire le deuil de cet espoir que ma famille biologique pourrait de nouveau faire partie de ma vie. Ma première année après avoir été adoptée, j’ai senti un vide entièrement me dévorer. Cette perte à un si jeune âge m’a portée à me demander si je serais un jour en mesure d’être heureuse. Dans mes piètres valises, je traînais avec moi la négligence et les abus subis, mais aussi le sentiment de ne jamais être assez bien. Qui plus est, je voyais d’autres enfants au passé similaire gérer leur bagage négatif en consommant de la drogue dans une volonté de rester insensible. Je me suis demandé, si c’était moi, prendrais-je le chemin facile? Les gens comprendraient que toute ma douleur devait être atténuée d’une façon ou d’une autre. Malheureusement, oups, heureusement devrais-je dire (haha), j’ai choisi de travailler avec acharnement et j’ai cherché ce qui m’aiderait à réparer mon cœur brisé. Je me suis forcée à participer activement en thérapie, à faire du yoga et à tenir un journal. Honnêtement, tout ce qui pouvait m’aider à m’épanouir au lieu de simplement survivre; et mes parents adoptifs (même si c’était difficile pour eux de gérer autant de douleur venant de trois enfants) m’ont offert tout le soutien qu’ils ont pu. Après cette année-là, je crois que je me suis beaucoup transformée en la personne que je voulais être, mais j’avais eu besoin d’aide et j’avais dû avoir confiance dans le processus qu’est la vie, et non dans ce que j’aurais voulu que la vie soit.
La colère. Bien que cet aspect ne soit pas joli et que je n’en suis pas fière, il est important à admettre. La tourmente émotionnelle engendrée par cette réalisation que je pouvais être abandonnée aussi facilement par ma famille biologique et mon foyer d’accueil m’a totalement dévastée. Si les gens que j’aime pouvaient me faire subir ça, qu’est-ce qui pourrait bien empêcher ces « étrangers » de faire la même chose? Mes parents adoptifs blaguent souvent maintenant sur le fait que je les testais pour voir s’ils allaient rester. Je suppose que d’une certaine façon je le faisais, mais ces moments de pure rage noire me semblaient être davantage un appel à l’aide. Pour que quelqu’un ramène à la vie ma mère et ma grand-mère, pour que je puisse voir mon père biologique heureux et non vivant dans la rue ou même pour une étreinte, et cela, même dans les moments les plus menaçants. Bien que mon intention ne fût pas d’être violente, ce n’est pas toujours ce qui se passait. Quand je jouais à la chamaille ou que je pensais que ce n’était qu’un jeu, je finissais toujours par aller trop loin. Lorsque j’étais en colère, je hurlais tellement que les voisins m’entendaient et mon visage devenait tout rouge et marbré. Quand on se sent aussi mal, la seule libération consiste à faire en sorte que les autres se sentent tout aussi mal. À tout le moins, c’est ainsi que je pensais à l’époque. Je crois que cela a changé quand j’ai commencé à voir l’autre côté de la médaille, que je me suis trouvée être la cible de la colère et que j’ai su que ce n’était pas la personne que je voulais être. Chaque fois que je me sentais furieuse, je prenais un pas de recul, j’attendais une minute, je réfléchissais au message que je voulais faire passer et à la raison enfouie sous ma rage.
Une perception existe comme quoi l’adoption, c’est facile : que les parents et les enfants vont vivre instantanément en harmonie les uns avec les autres; que la famille se verra glorifiée et automatiquement imprégnée d’amour. C’est peut-être vrai dans certains cas, mais l’adoption c’est aussi plusieurs sombres moments, pour les enfants comme pour les parents. Lorsqu’on entre dans ce nouvel univers, dans ce nouveau foyer, on ne lutte jamais seul avec ses démons. Cela prend beaucoup de courage et de ténacité pour avancer ensemble et pour ne pas avoir l’impression de porter le fardeau sur nos seules épaules.
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